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Les actives démarches du sénateur firent que, quelques jours plus tard, René fut ramené dans un hôpital de Paris. Quel triste spectacle pour ceux qui l’aimaient ! Le sous-lieutenant était dans un état lamentable ; enveloppé de bandages comme une momie égyptienne, il avait des blessures à la tête, au buste, aux jambes, et l’une de ses mains avait été emportée par un éclat d’obus. Cela ne l’empêcha pas de sourire à sa mère, à son père, à Chichi, à Desnoyers, et de leur dire, d’une voix faible, qu’aucune de ces blessures ne paraissait mortelle et qu’il était content d’avoir bien servi sa patrie.

Au bout de six semaines, René entra en convalescence. Mais, lorsque Marcel et Chichi le virent pour la première fois debout et débarrassé de ses bandages, ils éprouvèrent moins de joie que de compassion. Marcel avait peine à reconnaître en lui le garçon d’une beauté délicate et même un peu féminine auquel il avait promis sa fille ; ce qu’il voyait, c’était un visage sillonné d’une demi-douzaine de cicatrices violacées, une manche où l’avant-bras manquait, une jambe encore raide qui tardait à recouvrer sa flexibilité et qui ne permettait au convalescent de marcher qu’avec l’aide d’une béquille. Mais Chichi, après un sursaut de surprise qu’elle n’avait point réussi à réprimer, eut assez de force sur elle-même pour ne montrer que de l’allégresse. Avec la générosité de sa nature primesautière, elle avait pris soudain le