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ne nous envoies que des choses insignifiantes. »

Et la bonne Luisa, ahurie par ce débordement soudain d’éloquence et de textes justificatifs, se contenta de répondre à son mari par une nouvelle crise de larmes.

Au commencement de l’automne, l’inquiétude fut grande chez Lacour et chez les Desnoyers : pendant quinze jours, ni le père ni la fiancée ne reçurent de René le moindre bout de lettre. Le sénateur errait d’un bureau à l’autre dans les couloirs du ministère de la Guerre, pour tâcher d’obtenir des renseignements. Lorsque enfin il put en avoir, l’inquiétude se changea en consternation. Le sous-lieutenant d’artillerie avait été grièvement blessé en Champagne ; un projectile, éclatant sur sa batterie, avait tué plusieurs hommes et mutilé l’officier qui les commandait.

Le malheureux père, cessant de poser pour le grand homme et de radoter sur ses glorieux ancêtres, versa sans vergogne des larmes sincères. Quant à Chichi, blême, tremblante, affolée, elle répétait avec une douloureuse obstination qu’elle voulait partir tout de suite, tout de suite, pour aller voir son « petit soldat », et Marcel eut beaucoup de peine à lui faire comprendre que cette visite était absolument impossible, puisqu’on ne savait pas encore à quelle ambulance était le blessé.