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L’inquiétude publique n’était, selon lui, que la surexcitation nerveuse d’un peuple qui, accoutumé à une vie paisible, s’alarme dès qu’il entrevoit un danger pour son bien-être. On avait parlé si souvent d’une guerre imminente à propos de conflits qui, à la dernière minute, s’étaient résolus pacifiquement ! Au surplus, l’homme est enclin à considérer comme logique et raisonnable tout ce qui flatte son égoïsme, et il répugnait à Jules que la guerre éclatât, parce qu’elle aurait dérangé ses plans de vie.

« Mais non, il n’y aura pas de guerre ! s’affirma-t-il encore à lui-même. Ces gens sont fous. Il n’est pas possible qu’on fasse la guerre à une époque comme la nôtre. »

Et il regarda sa montre. Cinq heures. Marguerite arriverait d’un moment à l’autre. Il crut la reconnaître de loin dans une dame qui entrait au jardin par la rue Pasquier ; mais, quand il eut fait quelques pas vers elle, il constata son erreur. Déçu, il reprit sa promenade. La mauvaise humeur lui fit voir beaucoup plus laid qu’il ne l’est en réalité le monument dont la Restauration a orné l’ancien cimetière de la Madeleine. Le temps passait, et elle n’arrivait pas. Il surveillait de ses yeux impatients toutes les entrées du jardin. Et il advint ce qui advenait à presque tous leurs rendez-vous : elle se présenta devant lui à l’improviste, comme si elle tombait du ciel ou surgissait de la terre, telle une apparition.