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curiosité d’aller revoir le cadavre du capitaine, et il avait eu la surprise de reconnaître cet Erckmann avec lequel il était revenu de Buenos-Aires sur le paquebot de Hambourg. Aussitôt son imagination avait revu la mer, le fumoir, la Frau Rath, le corpulent personnage qui, dans ses discours belliqueux, imitait le style et les gestes de son empereur, et il avait murmuré en guise d’oraison funèbre :

— Ce n’était pas ici, mon pauvre Kommerzîenrath, que tu m’avais donné rendez-vous. Repose à jamais sur cette terre de France où tu m’annonçais si fièrement ta prochaine visite.

Marcel, très fier de son fils, ne manquait aucune occasion de sortir avec lui pour se montrer dans la rue aux côtés du sous-lieutenant. Chaque fois qu’il voyait Jules prendre son casque, il se hâtait de prendre lui-même sa canne et son chapeau.

— Tu permets, disait-il, que je t’accompagne ? Cela ne te dérange pas ?

Il le disait avec tant d’humble supplication que Jules n’osait pas répondre par un refus ; et le vieux père, un peu soufflant, mais épanoui de joie, trottait sur les boulevards à côté de l’élégant et robuste officier dont la capote d’un bleu terni était ornée de la croix de guerre. Il acceptait comme un hommage rendu à son fils et à lui-même les regards sympathiques dont les passants saluaient cette décoration, assez rare encore, et sa première idée était de consi-