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heure, la possibilité de la guerre est pour les Parisiens l’unique sujet de conversation. »

Hors du jardin, même anxiété et même tendance à une sympathie fraternelle. Lorsque les vendeurs de journaux passaient en criant les éditions du soir, ils étaient arrêtés dans leur course par les mains avides des passants qui se disputaient les feuilles. Tout lecteur était aussitôt entouré d’un groupe de gens qui lui demandaient des nouvelles ou qui essayaient de déchiffrer par-dessus ses épaules les manchettes imprimées en caractères gras. De l’autre côté du square, dans la rue des Mathurins, sous la tente d’un débit de vin, des ouvriers écoutaient les commentaires d’un camarade qui, avec des gestes oratoires, montrait le texte d’une dépêche. La circulation dans les rues, le mouvement général de la cité étaient les mêmes que les autres jours ; mais il semblait que les voitures marchaient plus vite, qu’il y avait dans l’air comme un frisson de fièvre, que l’on discourait et que l’on souriait d’une façon différente. Tout le monde paraissait connaître tout le monde. Les femmes du jardin regardaient Jules comme si elles l’avaient déjà vu cent fois. Il aurait pu s’approcher d’elles et engager la conversation sans qu’elles en éprouvassent la moindre surprise.

« Ils parlent de la guerre », se répéta-t-il, mais avec la commisération d’un esprit supérieur qui connaît l’avenir et qui s’élève au-dessus des opinions communes.