Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, de sa propre main, a tué le capitaine. En récompense de ces prouesses, on lui a donné la croix de guerre et on l’a nommé officier.

Lorsque Jules débarqua à l’avenue Victor-Hugo, il y fut accueilli par des cris de joie et de délirantes embrassades. La pauvre Luisa, pendue à son cou, sanglotait de tendresse ; Chichi le dévorait des yeux, tout en pensant à un autre combattant ; Marcel admirait le petit bout de galon d’or sur la manche de la capote bleu horizon et le casque d’acier à bords plats que les Français portaient maintenant dans les tranchées : car le képi traditionnel avait été remplacé par une sorte de cabasset qui rappelait celui des arquebusiers du xvie siècle.

Les quinze jours de la permission furent pour les Desnoyers des jours de bonheur et de gloire. Ils ne recevaient pas une visite sans que Marcel, dès les premiers mots, dît à son fils :

— Raconte-nous comment tu as été blessé. Explique-nous comment tu as tué le capitaine.

Mais Jules, ennuyé de répéter pour la dixième fois sa propre histoire, s’excusait de faire ce récit ; et alors c’était Marcel qui se chargeait de la narration.

L’ordre était de s’emparer des ruines d’une raffinerie de sucre située en face de la tranchée. Les Boches en avaient été chassés par l’artillerie ; mais il fallait qu’une reconnaissance, conduite par un homme sûr, allât vérifier si l’évacuation était com-