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leur recommandant de se tenir de chaque côté de la baie, de bien effacer leur corps, d’avancer prudemment la tête et de regarder d’un seul œil. Ils aperçurent une excavation profonde dont ils avaient devant eux le bord opposé. À courte distance, plusieurs files de pieux, disposés en croix et réunis par des fils de fer barbelés, formaient un large réseau. À cent mètres plus loin, il y avait un autre réseau de fils de fer.

— Les Boches sont là, chuchota le lieutenant-colonel.

— Où ? demanda le sénateur.

— Au second réseau. C’est celui de la tranchée allemande. Mais il n’y a rien à craindre : depuis quelque temps ils ont cessé d’attaquer de ce côté-ci.

Lacour et Desnoyers éprouvèrent une certaine émotion à penser que les ennemis étaient si près d’eux, derrière cette levée de terre, dans une mystérieuse invisibilité qui les rendait plus redoutables. S’ils allaient bondir hors de leurs tanières, la baïonnette au bout du fusil, la grenade à la main, ou armés de leurs liquides incendiaires et de leurs bombes asphyxiantes ?

De cet endroit, le sénateur et son ami percevaient plus nettement que tout à l’heure la tiraillerie de la première ligne. Les coups de feu semblaient se rapprocher. Aussi le lieutenant-colonel les fit-il partir brusquement de leur observatoire : il craignait que la