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tive ; une cave qui portait pour enseigne : Café de la Victoire ; une autre garnie d’un écriteau où on lisait : Théâtre. C’était la gaîté française qui riait et chantait en face du danger.

Cependant Marcel était impatient de voir son fils. Le sénateur dit donc un mot au lieutenant-colonel qui, après un effort de mémoire, finit par se rappeler les prouesses du sergent Jules Desnoyers.

— C’est un excellent soldat, certifia-t-il au père. En ce moment il doit être de service à la tranchée de première ligne. Je vais le faire appeler.

Marcel demanda s’il ne leur serait pas possible d’aller jusqu’à l’endroit où se trouvait son fils ; mais le lieutenant-colonel sourit. Non, les civils ne pouvaient visiter ces fossés en contact presque immédiat avec l’ennemi et sans autre défense que des barrages de fils de fer et des sacs de terre ; la boue y avait parfois un pied d’épaisseur, et l’on n’y avançait qu’en se courbant, pour éviter de recevoir une balle. Le danger y était continuel, parce que l’ennemi tiraillait sans cesse.

Effectivement les visiteurs entendirent au loin des coups de fusil, auxquels, jusqu’alors, ils n’avaient pas fait attention.

Tandis que Marcel attendait Jules, il lui semblait que le temps s’écoulait avec une lenteur désespérante. Cependant le lieutenant-colonel avait fait arrêter ses visiteurs près de l’embrasure d’une mitrailleuse, en