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qui cousaient ou qui babillaient, tout en suivant d’un regard distrait les jeux des petits confiés à leur garde ; c’étaient des bourgeois du quartier, venus là pour lire leur journal avec l’illusion d’y jouir de la paix d’un bocage. Tous les bancs étaient occupés. Les chaises de fer, sièges payants, servaient d’asile à des femmes chargées de paquets, à des bourgeoises des environs de Paris qui attendaient des personnes de leur famille pour prendre le train à la gare Saint-Lazare.

Après trois semaines de traversée pendant lesquelles Jules avait évolué sur la piste ovale d’un pont de navire avec l’automatisme d’un cheval de manège, il avait plaisir à se mouvoir librement sur cette terre ferme où ses chaussures faisaient grincer le sable. Ses pieds, habitués à un sol instable, gardaient encore une sensation de déséquilibrement. Il se promenait de long en large ; mais ses allées et venues n’attiraient l’attention de personne. Une préoccupation commune semblait s’être emparée de tout le monde, hommes et femmes ; les gens échangeaient à haute voix leurs impressions ; ceux qui tenaient un journal à la main voyaient leurs voisins s’approcher avec un sourire interrogatif. Il n’y avait plus trace de la méfiance et de la crainte instinctives qui portent les habitants des grandes villes à s’ignorer mutuellement ou à se dévisager comme des ennemis.

« ils parlent de la guerre, pensa Jules. À cette