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d’hommes rappelait par la variété des costumes et des races les grandes invasions historiques. Et pourtant ce n’était pas un peuple en marche : car l’exode d’un peuple traîne derrière lui une multitude de femmes et d’enfants. Il n’y avait ici que des hommes, rien que des hommes.

Toutes les espèces d’habitations inventées par l’humanité depuis l’époque des cavernes, étaient utilisées dans ces campements. Les grottes et les carrières servaient de quartiers ; certaines cabanes rappelaient le rancho américain ; d’autres, coniques et allongées, imitaient le gourbi arabe. Comme beaucoup de soldats venaient des colonies et que quelques-uns avaient fait du négoce dans les contrées du nouveau monde, ces gens, quand ils s’étaient vus dans la nécessité d’improviser une demeure plus stable que la tente de toile, avaient fait appel à leurs souvenirs, et ils avaient copié l’architecture des tribus avec lesquelles ils s’étaient trouvés en contact. Au surplus, dans cette masse de combattants, il y avait des tirailleurs marocains, des nègres, des Asiatiques ; et, loin des villes, ces primitifs semblaient grandir en importance, acquérir une supériorité qui faisait d’eux les maîtres des civilisés.

Le long des ruisseaux s’étalaient des linges blancs mis à sécher par les soldats. Malgré la fraîcheur du matin, des files d’hommes dépoitraillés s’inclinaient sur l’eau pour de bruyantes ablutions, suivies