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était obligé de rejoindre son poste sans retard. Le père n’insista point pour prolonger l’entrevue ; il serra son fils dans ses bras, lui souhaita bonne chance, et, sous la conduite du capitaine, redescendit la montagne en compagnie de Desnoyers,

L’automobile roula tout l’après-midi sur des chemins encombrés de convois qui la forçaient souvent à faire halte. Elle passait entre des champs incultes sur lesquels on voyait des squelettes de fermes ; elle traversait des villages incendiés qui n’étaient plus qu’une double rangée de façades noires, avec des trous ouverts sur le vide.

À la tombée du jour, ils croisèrent des groupes de fantassins aux longues barbes et aux uniformes bleus déteints par les intempéries. Ces soldats revenaient des tranchées, portant sur leurs sacs des pelles, des pioches et d’autres outils faits pour remuer la terre : car les outils de terrassement avaient pris une importance d’armes de combat. Couverts de boue de la tête aux pieds, tous paraissaient vieux, quoique en pleine jeunesse. Leur joie de revenir au cantonnement après une semaine de travail en première ligne, s’exprimait par des chansons qu’accompagnait le bruit sourd de leurs sabots à clous.

— Ce sont les soldats de la Révolution ! disait le sénateur avec emphase. C’est la France de 1792 !