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Les voyageurs avaient laissé leur automobile au bas du versant, et ils grimpaient vers les crêtes où étaient dissimulés d’innombrables canons, sur une ligue de plusieurs kilomètres. Ils étaient obligés de faire cette ascension à pied, parce qu’ils étaient à portée de l’ennemi : une voiture aurait attiré sur eux l’attention et servi de cible aux obus.

— La montée est un peu fatigante, monsieur le sénateur, dit le capitaine. Mais courage ! Nous approchons.

Ils commençaient à rencontrer sur le chemin beaucoup d’artilleurs. La plupart n’avaient de militaire que le képi ; sauf cette coiffure, ils avaient l’air d’ouvriers de fabrique, de fondeurs ou d’ajusteurs. Avec leurs pantalons et leurs gilets de panne, ils étaient en manches de chemise, et quelques-uns d’entre eux, pour marcher dans la boue avec moins d’inconvénient, étaient chaussés de sabots. C’étaient de vieux métallurgistes incorporés par la mobilisation à l’artillerie de réserve ; leurs sergents avaient été des contre-maîtres, et beaucoup de leurs officiers étaient des ingénieurs et des patrons d’usines.

On pouvait arriver jusqu’aux canons sans les voir. À peine émergeait-il d’entre les branches feuillues ou de dessous les troncs entassés quelque chose qui ressemblait à une poutre grise. Mais, quand on passait derrière cet amas informe, on trouvait une petite place nette, occupée par des hommes qui