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étendre au monde entier la domination teutonne.

— L’essentiel, c’est de jeter bas l’empire allemand et de briser la redoutable machine de guerre qui, pendant près d’un demi-siècle, a menacé la paix des nations.

Ce qui irritait le plus Tchernoff, c’était l’immoralité des idées qui, depuis 1870, étaient nées de cette perpétuelle menace et qui contaminaient aujourd’hui un si grand nombre d’esprits dans le monde entier : glorification de la force, triomphe du matérialisme, sanctification du succès, respect aveugle du fait accompli, dérision des plus nobles sentiments comme s’ils n’étaient que des phrases creuses, philosophie de bandits qui prétendait être le dernier mot du progrès et qui n’était que le retour au despotisme, à la violence et à la barbarie des époques primitives.

— Ce qu’il faut, déclarait-il, c’est la suppression de ceux qui représentent cette abominable tendance à revenir en arrière. Mais cela ne signifie pas qu’il faille exterminer aussi le peuple allemand. Ce peuple a des qualités réelles, trop souvent gâtées par les défauts qu’un passé malheureux lui a laissés en héritage. Il possède l’instinct de l’organisation, le goût du travail, et il peut rendre des services à la cause du progrès. Mais auparavant il a besoin qu’on lui administre une douche : la douche de la catastrophe. Quand la défaite aura rabattu l’orgueil des allemands et dissipé leurs illusions d’hégémonie