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nant manifestement des caves de l’avenue Victor-Hugo, bouteilles dont Argensola arrosait avec largesse l’éloquence de son voisin. Ce que Marcel admirait le plus dans le Russe, c’était la facilité avec laquelle celui-ci exprimait par des images les choses qu’il voulait faire comprendre. Dans les discours de ce visionnaire, la bataille de la Marne, les combats subséquents et l’effort des deux armées ennemies pour atteindre la mer devenaient des faits très simples et très intelligibles. Ah ! si les Français n’avaient pas été harassés après leur victoire !

— Mais les forces humaines ont une limite, disait le Russe, et les Français, en dépit de leur vaillance, sont des hommes comme les autres. En trois semaines, il y a eu la marche forcée de l’est au nord, pour faire front à l’invasion par la Belgique ; puis une série de combats ininterrompus, à Charleroi et ailleurs ; puis une rapide retraite, afin de ne pas être enveloppé par l’ennemi ; et finalement cette bataille de sept jours où les Allemands ont été arrêtés et refoulés. Comment s’étonner qu’après cela les jambes aient manqué aux vainqueurs pour se porter en avant, et que la cavalerie ait été impuissante à donner la chasse aux fuyards ? Voilà pourquoi les Allemands, poursuivis avec peu de vigueur, ont eu le temps de s’arrêter, de se creuser des trous, de se tapir dans des abris presque inaccessibles. Les Français à leur tour ont dû faire de même, pour ne pas perdre ce qu’ils