Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un tant pour cent sur le chèque d’Amérique, son ami pouvait lui fournir tout ce qui lui était nécessaire pour les besoins de la maison.


Quand la terrible crise fut passée, il sembla que la population parisienne s’accoutumait insensiblement à la situation. Un calme résigné succéda à l’excitation des premières semaines, alors que l’on espérait des interventions extraordinaires et miraculeuses. Argensola lui-même n’avait plus les poches pleines de journaux, comme au début des hostilités. D’ailleurs tous les journaux disaient la même chose, et il suffisait de lire le communiqué officiel, document que l’on attendait désormais sans impatience : car on prévoyait qu’il ne ferait guère que répéter le communiqué précédent. Les gens de l’arrière reprenaient peu à peu leurs occupations habituelles. « Il faut bien vivre », disaient-ils. Et la nécessité de continuer à vivre imposait à tous ses exigences. Ceux qui avaient sous les drapeaux des êtres chers ne les oubliaient pas ; mais ils finissaient par s’accoutumer à leur absence comme à un inconvénient normal. L’argent recommençait à circuler, les théâtres à s’ouvrir, les Parisiens à rire ; et, si l’on parlait de la guerre, c’était pour l’accepter comme un mal inévitable, auquel on ne devait opposer qu’un courage persévérant et une muette endurance.