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de proie. Le long défilé de ces troupes s’immobilisait parfois des heures entières, pour laisser à celles qui les précédaient le temps de s’entasser dans les wagons.

— Ils sont arrivés à temps, disait Argensola avec autant de fierté que s’il avait commandé lui-même le rapide et heureux mouvement de ces troupes, ils sont arrivés à temps pour attaquer von Kluck sur les bords de l’Ourcq, pour le menacer d’enveloppement et pour le contraindre à déguerpir.

Quelques jours plus tard, il avait vu un autre spectacle beaucoup plus étrange encore. Toutes les automobiles de louage, environ deux mille voitures, avaient chargé des bataillons de zouaves, à raison de huit hommes par voiture ; et cette multitude de chars de guerre était partie à toute vitesse, formant sur les boulevards un torrent qui, avec la scintillation des fusils et le flamboiement des bonnets rouges, donnait l’idée d’un cortège pittoresque, d’une sorte de noce interminable. Ce n’était pas tout : au moment suprême, alors que le succès demeurait incertain et que le moindre accroissement de pression pouvait le décider, Gallieni avait lancé contre l’extrême droite de l’ennemi tout ce qui savait à peu près manier une arme, commis des bureaux militaires, ordonnances des officiers, agents de police, gendarmes, pour donner la dernière poussée qui avait sauvé la France.

Enfin, le dimanche, dans la soirée, tandis qu’Ar-