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pendant la semaine périlleuse. Argensola avait rempli les blancs d’un de ces diplômes en y inscrivant de sa plus belle écriture ses noms et qualités ; puis il avait fait apposer au bas de la pièce les signatures de deux habitants de la rue de la Pompe : un ami de la concierge et un cabaretier du voisinage ; et enfin il avait demandé au commissaire de police du quartier de garantir par son paraphe et par son sceau la respectabilité de ces honorables témoins. De cette manière, personne ne pouvait révoquer en doute qu’Argensola eût assisté au « siège de Paris ».

L’ « assiégé » racontait donc à Marcel ce qu’il avait vu dans les rues de la capitale en l’absence du châtelain, et il avait vu des choses vraiment extraordinaires. Il avait vu en plein jour des troupeaux de bœufs et de brebis stationner sur le boulevard, près des grilles de la Madeleine. Il avait vu l’avant-garde des Marocains traverser la capitale au pas gymnastique, depuis la porte d’Orléans jusqu’à la gare de l’Est, où ils avaient pris les trains qui les attendaient pour les mener à la grande bataille. Il avait vu des escadrons de spahis drapés dans des manteaux rouges et montés sur de petits chevaux nerveux et légers ; des tirailleurs mauritaniens coiffés de turbans jaunes ; des tirailleurs sénégalais à la face noire et à la chéchia rouge ; des artilleurs coloniaux ; des chasseurs d’Afrique ; tous combattants de profession, aux profils énergiques, aux visages bronzés, aux yeux d’oiseaux