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leuse. Ces faits honorables, qui lui avaient valu une citation, mais qui, somme toute, n’avaient rien d’extraordinaire, prenaient des couleurs merveilleuses dans la bouche du bohème qui les glorifiait comme les événements les plus insignes de la guerre mondiale. À entendre ces récits épiques, le père tremblait de peur, de plaisir et d’orgueil.

Après que les deux hommes s’étaient longuement entretenus de Jules, Marcel se croyait obligé de témoigner aussi quelque intérêt au panégyriste de son fils, et il interrogeait le secrétaire sur ce que celui-ci avait fait dans les derniers temps.

— J’ai fait mon devoir ! répondait Argensola avec une évidente satisfaction d’amour-propre. J’ai assisté au siège de Paris !

À vrai dire, dans son for intérieur, il soupçonnait bien l’inexactitude de ce terme : car Paris n’avait pas été assiégé. Mais les souvenirs de la guerre de 1870 l’emportaient sur le souci de la précision du langage, et il se plaisait à nommer « siège de Paris » les opérations militaires accomplies autour de la capitale pendant la bataille de la Marne. Au surplus, il avait pris ses précautions pour que la postérité n’ignorât pas le rôle qu’il avait joué en ces mémorables circonstances. On vendait alors dans les rues une affiche en forme de diplôme, dont le texte, entouré d’un encadrement d’or et rehaussé d’un drapeau tricolore, était un certificat de séjour dans la capitale