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Marcel relisait par cœur des phrases entières des lettres de Jules, faisait même lire ces lettres au secrétaire intime ; mais Argensola ne montrait jamais celles qui lui étaient adressées, s’abstenait même d’en rapporter des citations textuelles : car le peintre y employait volontiers un style épistolaire qui différait trop de celui que les fils ont coutume d’employer quand ils écrivent à leurs parents.

Après deux mois de campagne, Jules, déjà préparé au métier des armes par la pratique de l’épée et protégé par le capitaine de sa compagnie, qui avait été son collègue au cercle d’escrime, venait d’être nommé sergent.

— Quelle carrière ! s’écriait Argensola, flatté de cette nomination comme si elle l’eût personnellement couvert de gloire. Ah ! votre fils est de ceux qui arrivent jeunes aux plus hauts grades, comme les généraux de la Révolution !

Et il célébrait avec une éloquence dithyrambique les prouesses de son ami, non sans les embellir de quelques détails imaginaires. Jules, peu bavard comme la plupart des braves qui vivent dans un continuel danger, lui avait raconté en quelques phrases pittoresques divers épisodes de guerre auxquels il avait pris part. Par exemple, le peintre-soldat avait porté un ordre sous un violent bombardement ; il était entré le premier dans une tranchée prise d’assaut ; il s’était offert pour une mission considérée comme très péril-