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la justice de Dieu. Et Marcel, avec la puérile superstition qu’éveille parfois dans les esprits les plus positifs la crainte du danger, allait jusqu’à s’imaginer que la sacrilège dévotion d’Héléna pouvait causer à Jules un dommage. Qui sait ? Dieu, fatigué des demandes contradictoires qui lui arrivaient de ces mères inconsciemment hostiles, finirait sans doute par se boucher les oreilles et n’écouterait plus personne.

À partir de ce jour, Marcel ne put s’empêcher de témoigner sans cesse à sa belle-sœur une sourde antipathie. La « romantique » s’offensa de cette animosité croissante qui, selon les circonstances, s’exprimait par des sarcasmes ou par des rebuffades. Elle résolut donc de quitter une maison où il était manifeste qu’on la considérait désormais comme une intruse. Sans parler à personne de son dessein, elle fit d’actives démarches ; elle réussit à obtenir un passeport pour la Suisse, d’où il lui serait facile de rentrer en Allemagne ; et, un beau soir, elle annonça aux Desnoyers qu’elle partait le lendemain. La bonne Luisa, peinée de cette fugue subite, ne laissa pas de comprendre qu’en somme cela valait mieux pour tout le monde, et Marcel fut si content qu’il ne put s’empêcher de dire à sa belle-sœur avec une ironie agressive :

— Bon voyage, et bien des compliments à Karl. Si le savant recul stratégique de vos généraux lui