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officiers coiffés du casque à pointe, vêtus de l’uniforme verdâtre, la poitrine barrée par les courroies qui soutenaient le revolver, les jumelles, l’étui pour les cartes, la taille serrée par le ceinturon auquel était suspendu le sabre. Si donc, en apparence, les vœux de l’une et de l’autre s’harmonisaient dans un même élan de piété maternelle, il n’en était pas moins vrai qu’au fond ces vœux étaient opposés les uns aux autres et qu’il y avait entre les prières des deux mères le même conflit qu’entre les armées ennemies. Ni Luisa ni Héléna ne s’apercevaient de cette contradiction. Mais, un jour que Marcel vit sa femme et sa belle-sœur sortir ensemble de l’église, il ne put s’empêcher de grommeler entre ses dents :

— C’est indécent ! C’est se moquer de Dieu !

Eh quoi ? Dans le sanctuaire où Luisa et tant d’autres mères françaises imploraient la protection divine pour leurs fils, qui luttaient contre l’invasion des Barbares et qui défendaient héroïquement la cause de la civilisation et de l’humanité, Héléna osait solliciter du ciel la détestable réussite de son mari l’Allemand qui employait toutes ses facultés d’énergumène à préparer l’écrasement de la France, et le criminel succès de ses fils qui, le revolver en main, envahissaient les villages, assassinaient les habitants paisibles et ne laissaient derrière eux que l’incendie et la mort ! Oui, les prières de cette femme étaient impies et ses invocations iniques offensaient