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eux, avaient accueilli la victoire avec une sérénité grave. Personne ne s’expliquait clairement le cours de cette bataille, dont on n’avait eu connaissance que lorsqu’elle était déjà gagnée. Un dimanche, à l’heure où les habitants profitaient du bel après-midi pour faire leur promenade, ils avaient appris tout d’un coup par les journaux le grand succès des Alliés et le danger qu’ils venaient de courir. Ils se réjouirent, mais ils ne se départirent point de leur calme : six semaines de guerre avaient changé radicalement le caractère de cette population si turbulente et si impressionnable. Il fallut du temps pour que la capitale reprît son aspect d’autrefois. Mais enfin des rues naguère désertes se repeuplèrent de passants, des magasins fermés se rouvrirent, des appartements silencieux retrouvèrent de l’animation.

Marcel ne parla guère aux siens de son voyage de Villeblanche. Pourquoi les attrister par le récit de tant d’horreurs ? Il se contenta de dire à Luisa que le château avait beaucoup souffert du bombardement, que les obus avaient endommagé une partie de la toiture, et qu’après la paix plusieurs mois de travail seraient nécessaires pour rendre le logis habitable.

Le plaisir qu’éprouvait Marcel à se retrouver en famille fut vite gâté par la présence de sa belle-sœur. Depuis les derniers événements, Héléna avait dans les yeux une vague expression de surprise, comme si le recul des armées impériales eût été un phénomène