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qui n’est pas le tien[1]. Cela m’effraie pour toi, et cependant j’en suis heureux. Ah ! si je n’avais que cinquante ans, tu ne partirais pas seul ! Et ses yeux se mouillèrent de larmes, tandis qu’une expression de haine donnait à son visage quelque chose de farouche.

— Va donc, prononça-t-il avec une sourde énergie. Tu ne sais pas ce qu’est cette guerre ; mais moi, je le sais. Ce n’est pas une guerre comme les autres, une guerre où l’on se bat contre des adversaires loyaux ; c’est une chasse à la bête féroce. Tire dans le tas : chaque Allemand qui tombe délivre l’humanité d’un péril…

Ici Marcel eut comme un mouvement d’hésitation ; puis, d’un ton décidé :

— Et si tu rencontres devant toi des visages connus, ajouta-t-il, que cela ne t’arrête point. Il y a dans les rangs ennemis des hommes de ta famille, mais ils ne valent pas mieux que les autres. À l’occasion, tue-les, tue-les sans scrupule !

  1. Quoique de nationalité argentine, Jules a pu s’engager dans un régiment français en raison de la nationalité française de son père. — G. H.