Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne pouvaient avancer que par bonds, en s’abritant derrière les moindres plis du terrain, pour laisser passer les rafales de projectiles.

Soudain une trombe s’engouffra entre le mur d’enceinte et le château. La mort soufflait donc dans une nouvelle direction ? Jusqu’alors elle était venue du côté de la rivière, battant de front la ligne allemande protégée par le mur. Et voilà qu’avec la brusquerie d’une saute de vent elle se ruait d’un autre côté et prenait le mur en enfilade. Un habile mouvement avait permis aux Français d’établir leurs batteries dans une position plus favorable et d’attaquer de flanc les défenseurs du château.

Marcel qui, heureusement pour lui, s’était attardé un instant près du pont-levis, dans un lieu que la masse de l’édifice abritait contre cette trombe, fut le témoin indemne d’une sorte de cataclysme : arbres abattus, canons démolis, caissons sautant avec des déflagrations volcaniques, chevaux éventrés, hommes dépecés dont le corps volait en morceaux. Par places, les obus avaient creusé des trous profonds dans le sol et rejeté hors des fosses les cadavres enterrés les jours précédents.

Ce qui restait d’Allemands valides pour la défense du mur se leva. Les uns, pâles, les dents serrées, avec des lueurs de démence dans les yeux, mirent la baïonnette au canon ; d’autres tournèrent le dos et se précipitèrent vers la porte du parc, sans prendre