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l’horizon et les cadavres devenaient de plus en plus nombreux dans le parc. Les blessés geignaient, appuyés contre les troncs, ou demeuraient étendus par terre dans le mutisme de la souffrance. Quelques-uns avaient ouvert leur sac pour y prendre le paquet de pansement et soignaient leurs chairs lacérées. Le nombre des défenseurs du parc s’était beaucoup accru et l’infanterie faisait de continuelles décharges. De nouveaux pelotons arrivaient à chaque instant : c’étaient des hommes qui, chassés de la rivière, se repliaient sur la seconde ligne de défense. Les mitrailleuses joignaient leur tic-tac à la crépitation de la fusillade.

Il semblait à Marcel que l’espace était plein du bourdonnement continu d’un essaim et que des milliers de frelons invisibles voltigeaient autour de lui. Les écorces des arbres sautaient, comme arrachées par des griffes qu’on ne voyait pas ; les feuilles pleuvaient ; les branches étaient agitées en sens divers ; des pierres jaillissaient du sol, comme poussées par un pied mystérieux. Les casques des soldats, les pièces métalliques des équipements, les caissons de l’artillerie carillonnaient sous une grêle magique. De grandes brèches s’étaient ouvertes dans le mur d’enceinte, et, par l’une d’elles, Marcel reconnut, au pied de la côte sur laquelle était construit le château, plusieurs colonnes françaises qui avaient franchi la Marne. Les assaillants, retenus par la feu nourri de l’ennemi,