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il éprouva tout à la fois une peur insurmontable et une fiévreuse curiosité.

Un quart d’heure après, une explosion stridente résonna hors du parc, mais à proximité du mur. Ce fut comme un coup de hache gigantesque, qui fit voler des têtes d’arbres, fendit des troncs en deux, souleva de noires masses de terre avec leurs chevelures d’herbe. Quelques pierres tombèrent du mur. Les Allemands baissèrent un peu la tête, mais sans émoi visible. Depuis qu’ils avaient aperçu l’aéroplane, ils savaient que cela était inévitable : le drapeau de la croix rouge ne pouvait plus tromper les artilleurs français.

Avant que Marcel eût eu le temps de revenir de sa surprise, une seconde explosion se produisit, tout près du mur ; puis une troisième, à l’intérieur du parc. Une odeur d’acides lui rendit la respiration difficile, lui fit monter aux yeux la cuisson des larmes ; mais, en compensation, il cessa d’entendre les bruits effroyables qui l’entouraient ; il les devinait encore à la houle de l’air, aux bourrasques de vent qui secouaient les branches ; mais ses oreilles ne percevaient plus rien : il était devenu sourd.

Par instinct de conservation, il eut l’idée de se réfugier dans le pavillon du concierge, et, les jambes vacillantes, il s’engagea dans l’allée qui y conduisait. Mais à mi-chemin un prodige l’arrêta : une main invisible venait d’arracher sous ses yeux la toiture du