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entra dans la rade de Southampton, mais pour en sortir le plus rapidement possible. Quoique l’on eût à embarquer une énorme quantité de personnes et de bagages, les opérations de l’escale se firent avec une diligence prodigieuse. Deux vapeurs pleins abordèrent le transatlantique, et une avalanche d’Allemands établis en Angleterre envahit les ponts. Puis le paquebot reprit sa route dans le canal avec une vitesse insolite dans des parages si fréquentés.

Ce jour-là, on faisait sur ce boulevard maritime des rencontres extraordinaires. Des fumées vues à l’horizon décelèrent l’escadre française qui ramenait de Russie le président Poincaré. Puis ce furent de nombreux vaisseaux anglais, qui montaient la garde devant les côtes comme des dogues vigilants. Deux cuirassés de l’Amérique du Nord se reconnurent à leurs mâts en forme de corbeilles. Un vaisseau russe, blanc et brillant depuis les hunes jusqu’à la ligne de flottaison, passa à toute vapeur, se dirigeant vers la Baltique. Les passagers du paquebot, accoudés au bordage, commentaient ces rencontres.

— Ça va mal, disaient-ils, ça va mal ! Cette fois-ci, l’affaire est sérieuse.

Et ils regardaient avec inquiétude les côtes voisines, à droite et à gauche. Ces côtes avaient leur aspect habituel ; mais on devinait que dans l’arrière-pays se préparait un grand événement.

Le paquebot devait arriver à Boulogne vers minuit