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une balle. Le comte avait la mâchoire fracassée par un éclat d’obus. Quant au professeur lui-même, il était resté un jour et demi sur le champ de bataille avant qu’on le relevât.

— Triste guerre, monsieur ! conclut-il.

Et, avec l’obstination du sectaire entiché de ses idées jusqu’à la mort :

— Qui est coupable de l’avoir voulue ? ajouta-t-il. Nous ne possédons pas les éléments d’appréciation nécessaires pour en juger avec certitude. Mais, quand la guerre aura pris fin…

La parole expira sur ses lèvres et il s’évanouit, épuisé par l’effort. Le pauvre diable ! Avec ses habitudes de raisonneur obtus, lourd et discipliné, il s’obstinait encore à renvoyer après la guerre la condamnation du crime qui lui coûtait la vie.

La canonnade et la fusillade étaient devenues très voisines, et le son des détonations permettait de distinguer celles de l’artillerie allemande et celles de l’artillerie française. Déjà quelques projectiles français passaient par-dessus la Marne et venaient éclater aux abords du parc.

Vers minuit, l’ambulance fit ses préparatifs pour évacuer le château. À l’aube, les blessés, les infirmiers et les médecins partirent dans un grand vacarme d’automobiles qui grinçaient, de chevaux qui piaf-