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du vestibule, apparaissaient des nouvelles de plus en plus alarmantes, reçues par les appareils radiotélégraphiques.

Dans la matinée du jour qui devait être pour Jules Desnoyers le dernier du voyage, le garçon de cabine l’appela.

Herr, montez donc sur le pont : c’est joli à voir.

La mer était voilée de brume ; mais à travers les vapeurs flottantes se dessinaient des silhouettes semblables à des îles, avec de robustes tours et des minarets pointus. Ces îles s’avançaient sur l’eau huileuse, lentement et majestueusement, d’une pesante allure. Jules en compta dix-huit, qui semblaient emplir l’Océan. C’était l’escadre de la Manche qui, par ordre du gouvernement britannique, venait de quitter les côtes anglaises, sans autre objet que de faire constater sa force. Pour la première fois, en contemplant dans le brouillard ce défilé de dreadnoughts qui donnaient l’idée d’un troupeau de monstres marins préhistoriques, le peintre se rendit compte de la puissance de l’Angleterre. Lorsque le paquebot allemand passa entre les navires de guerre, il fut comme rapetissé, comme humilié, et Jules s’aperçut qu’il accélérait sa marche. « On dirait, pensa le jeune homme, que notre bateau a la conscience inquiète et qu’il veut se mettre en sûreté »

Un peu après midi, le Kœnig Frederic-August