— Et dire que nous sommes obliges de servir ces brutes ! gémissait la pauvre femme. Ils ne sont plus les mêmes qu’à leur arrivée. Les soldats annoncent que leur régiment part demain pour une grande bataille ; c’est cela qui les rend fous. Ils me font peur, ils me font peur !
Ce qu’elle ne disait pas, mais ce qui lui torturait l’âme, c’était qu’elle avait peur surtout pour Georgette. La veille, elle avait vu quelques-uns de ces hommes rôder autour de la conciergerie, et elle avait eu aussitôt l’idée de cacher sa fille. La chose n’était pas facile dans une propriété envahie par des centaines de soldats, dans un château dont toutes les serrures avaient été méthodiquement brisées à tous les étages. Mais elle se souvint qu’à côté de la mansarde occupée par le châtelain il y avait, dans l’angle des combles, un petit réduit dont ces sauvages avaient négligé d’abattre la porte ; et, comme les soldats ne faisaient jamais l’inutile ascension du grenier, elle pensa que ce serait pour sa fille une bonne cachette, d’autant mieux que la présence du châtelain dans la mansarde contiguë serait, le cas échéant, une protection pour la fillette. Marcel approuva les précautions prises, promit de veiller sur sa jeune voisine et fit recommander à l’enfant de se tenir tranquille et silencieuse.
La nuit suivante, vers trois heures, le châtelain fut brusquement réveillé par le bruit d’une porte qui