Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et il se pencha vers elle. Mais elle eut un mouvement si violent de répulsion qu’il ne put se méprendre sur les sentiments de la jeune fille, et lui dit en ricanant, avec un regard qui n’avait plus rien de paternel :

— Tu as beau faire la vilaine avec moi ; ça ne m’empêche pas de te trouver jolie.

Pendant les quatre jours qui suivirent, Marcel mena une vie absurde, coupée d’horribles visions. Pour ne plus avoir de rapports avec les occupants du château, il ne quittait guère sa mansarde, où il restait étendu sur son lit toute la matinée à se désoler et à rêvasser.

Au cours de ces heures d’oisiveté anxieuse, il se rappela certains bas-reliefs assyriens du British Muséum, dont il avait vu les photographies chez un de ses amis, quelques mois auparavant. Ces monuments de l’antique brutalité humaine lui avaient paru terribles. Les guerriers incendiaient les villes ; les prisonniers décapités s’entassaient par monceaux ; les paysans pacifiques, réduits en esclavage, s’en allaient en longues files, la chaîne au cou. Et il s’était félicité de vivre dans une époque où de telles horreurs étaient devenues impossibles. Mais non : en dépit des siècles écoulés, le guerre était toujours la même. Aujourd’hui encore, sous le casque à pointe, les soldats procédaient comme avaient procédé jadis les satrapes à la mitre