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cierges voyaient leur maître en bonnes relations avec les Allemands, ils ne craignaient plus autant les envahisseurs et vaquaient sans crainte à leurs besognes, persuadés qu’au moins en plein jour et dans le château ils ne couraient aucun risque.

À la vue de Georgette, le chef de bataillon, malgré la raideur qu’il affectait dans le service, s’humanisa et dit au père :

— Elle est gentille, votre petite.

Elle se tenait devant lui, droite, timide, les yeux baissés, un peu tremblante comme si elle pressentait un péril obscur ; mais elle n’en faisait pas moins effort pour sourire. Blumhardt crut sans doute que ce sourire était de sympathie ; car il devint plus familier, et, de sa grosse patte, il caressa les joues et pinça le menton de la jouvencelle. À ce désagréable contact les yeux de Georgette s’emplirent de larmes. Ceux du commandant brillaient de plaisir. Marcel, qui l’observait, demeura perplexe. Comment était-il possible que cet homme, qui allait faire fusiller sans pitié un innocent, pût être en même temps un bon père de famille qui, parmi les horreurs de la guerre, s’attendrissait à regarder une fillette, sans doute parce qu’elle lui rappelait les cinq enfants qu’il avait laissés à Cassel ? Décidément l’âme humaine était un étrange tissu de contradictions.

— Au revoir, dit Blumhardt à Georgette. Tu vois bien que je ne suis pas méchant. Veux-tu m’embrasser ?