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Ce garçon était son fils. La veille, la mère s’était réfugiée avec ses enfants dans la cave de leur maison incendiée ; mais la faim les avait obligés d’en sortir. Quand les Allemands avaient vu le jeune homme, ils l’avaient pris et maltraité. Ils croyaient que ce garçon avait vingt ans, le considéraient comme d’âge à être soldat, et voulaient le fusiller séance tenante, pour qu’il ne s’enrôlât point dans l’armée française.

— Mais ce n’est pas vrai ! protestait la femme. Il n’a pas plus de dix-huit ans… Il n’a même pas dix-huit ans : il n’a que dix-sept ans et demi !…

Et elle se tournait vers les autres femmes pour invoquer leur témoignage : de lamentables femmes aussi sales qu’elle-même et dont les vêtements lacérés exhalaient une odeur de suie, de misère et de mort. Toutes confirmaient les paroles de la mère et joignaient leurs lamentations aux siennes ; quelques-unes, contre toute vraisemblance, n’attribuaient même au prisonnier que seize ans, que quinze ans. Les petits contemplaient leur frère avec des yeux dilatés par la terreur et mêlaient leurs cris aigus au chœur des femmes vociférantes.

Lorsque la mère reconnut M. Desnoyers, elle s’approcha de lui et se rasséréna soudain, comme si elle était sûre que le maître du château pouvait sauver son fils. Devant ce désespoir qui l’appelait à l’aide, Marcel, persuadé que Blumhardt, après le courtois entretien qu’ils avaient eu ensemble, l’écouterait