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gronder au loin la tempête invisible, qui devenait de plus en plus violente.

— Peut-être la livre-t-on en ce moment, cette bataille décisive, reprit le sous-officier. Ah ! puisse notre prochaine entrée à Paris mettre un terme à ces massacres et donner au monde le bienfait de la paix !

Le crépuscule tombait, lorsque Marcel aperçut un grand rassemblement à l’entrée du château. C’étaient des paysans, hommes et femmes, qui entouraient un piquet de soldats. Il s’approcha du groupe et vit le commandant Blumhardt à la tête du détachement. Parmi les fantassins en armes s’avançait un garçon du village, entre deux hommes qui lui tenaient sur la poitrine la pointe de leurs baïonnettes. Son visage, marqué de taches de rousseur et déparé par un nez de travers, était d’une lividité de cire ; sa chemise, sale de suie, était déchirée, et on y voyait les marques des grosses mains qui l’avaient mise en lambeaux ; à l’une de ses tempes, le sang coulait d’une large blessure. Derrière lui marchait une femme échevelée, qu’entouraient quatre gamines et un bambin, tous maculés de noir comme s’ils sortaient d’un dépôt de charbon. La femme gesticulait avec violence et entrecoupait de sanglots les paroles qu’elle adressait aux soldats et que ceux-ci ne pouvaient comprendre.