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Mais le socialiste nia résolument. Les députés de son parti étaient favorables à la guerre, et sans aucun doute ils avaient leurs raisons pour cela. Le Français eut beau répéter des arguments et des faits ; ses paroles rebondirent sur la tête dure de ce révolutionnaire qui, accoutumé à l’aveugle discipline germanique, laissait à ses chefs le soin de penser pour lui.

— Qui sait ? finit par dire le socialiste. Il se peut que nous nous soyons trompés ; mais à l’heure actuelle tout cela est obscur, et nous manquons des éléments qui nous permettraient de nous former une opinion sûre. Lorsque le conflit aura pris fin, nous connaîtrons les vrais coupables, et, s’ils sont des nôtres, nous ferons peser sur eux les justes responsabilités.

Marcel eut envie de rire en présence d’une telle candeur. Attendre la fin de la guerre pour savoir qui en était responsable ? Mais, si l’empire était victorieux, comment serait-il possible qu’en plein triomphe on fît peser sur les militaristes les responsabilités d’une guerre heureuse ?

— Dans tous les cas, ajouta le sous-officier en s’acheminant avec Marcel vers le château, cette guerre est triste. Que de morts ! Nous serons vainqueurs ; mais un nombre immense des nôtres succombera avant la bataille décisive.

Et, songeur, il s’arrêta sur le pont-levis et se mît à jeter des morceaux de pain aux cygnes qui évoluaient sur les eaux du fossé. On continuait à entendre