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— Au surplus, monsieur, voici son portrait et celui de mes enfants.

Il tira de sa poitrine un médaillon d’argent décoré à la mode munichoise et pressa un ressort qui fit s’ouvrir en éventail plusieurs petits cercles dont chacun contenait une photographie : la Frau Kommandeur, d’une beauté austère et rigide, imitant l’attitude et la coiffure de l’impératrice ; les Fräuleine Kommandeur, toutes les cinq vêtues de blanc, les yeux levés au ciel comme si elles chantaient une romance ; les trois garçons en uniformes d’écoles militaires ou d’écoles privées. Et penser qu’un simple petit éclat d’obus pouvait le séparer à jamais de ces êtres chéris !

— Ah ! oui, reprit-il en soupirant, c’est une triste guerre ! Puisse Dieu châtier les Anglais !

Marcel n’avait pas encore eu le temps de se remettre de l’ébahissement que lui avait causé ce souhait imprévu, lorsqu’un sous-officier vint dire au chef de bataillon que M. le comte le demandait à l’instant même. Blumhardt se leva donc, non sans avoir caressé d’un regard de tendre regret les bouteilles de liqueur, et il s’éloigna vers le château.

Le sous-officier resta avec Marcel. C’était un jeune docteur en droit, qui remplissait auprès du général les fonctions de secrétaire. Il ne manquait aucune occasion de parler français, pour se perfectionner dans la pratique de cette langue, et il engagea tout