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Marcel osa contredire le personnage ; mais on ne l’écouta point. Paris ! Ce nom avait fait briller tous les yeux, excité la loquacité de toutes les bouches. Paris ! de grands magasins qui regorgeaient de richesses ! des restaurants célèbres, des femmes, du champagne et de l’argent ! Chacun aspirait à voir le plus tôt possible la Tour Eiffel et à entrer en vainqueur dans la capitale, pour se dédommager des privations et des fatigues d’une si rude campagne. Quoique ces hommes fussent des adorateurs de la gloire militaire et qu’ils considérassent la guerre comme indispensable à la vie humaine, ils ne laissaient pas de se plaindre des souffrances que la guerre leur causait.

Le comte, lui, exprima une plainte d’artiste :

— Cette guerre m’a été très préjudiciable, dit-il d’un ton dolent. L’hiver prochain, on devait donner à Paris un nouveau ballet de moi.

Tout le monde prit part à ce noble ennui ; mais quelqu’un fit remarquer que, après le triomphe, la représentation du ballet aurait lieu par ordre et que les Parisiens seraient bien obligés de l’applaudir.

— Ce ne sera pas la même chose, soupira le comte.

Et il eut un instant de méditation silencieuse.

— Je vous confesse, reprit-il ensuite, que j’aime Paris. Quel malheur que les Français n’aient jamais voulu s’entendre avec nous !