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une luisante couronne de boîtes crâniennes roses ou brunes, avec des oreilles qui ressortaient grotesquement, avec des mâchoires amaigries qui accusaient leur relief osseux. Quelques-uns avaient sur les lèvres des crocs relevés en pointe, à la mode impériale ; mais la plupart étaient rasés ou n’avaient que de courtes moustaches aux poils raides. Les fatigues de la guerre et des marches forcées étaient apparentes chez tous, mais plus encore chez les corpulents. Un mois de campagne avait fait perdre à ces derniers leur embonpoint, et la peau de leurs joues et de leur menton pendait, flasque et ridée.

Le comte était le plus âgé de tous, le seul qui eût conservé longs ses cheveux d’un blond fauve, déjà mêlés de poils gris, peignés avec soin et luisants de pommade. Sec, anguleux et robuste, il gardait encore, aux approches de la cinquantaine, une vigueur juvénile entretenue par les exercices physiques ; mais il dissimulait sa rudesse d’homme combatif sous une nonchalance molle et féminine. Au poignet de la main qu’il abandonnait négligemment sur la table, il avait un bracelet d’or ; et sa tête, sa moustache, toute sa personne exhalaient une forte odeur de parfums.

Les officiers le traitaient avec un grand respect. Otto avait parlé de lui à son oncle comme d’un remarquable artiste, à la fois musicien et poète. Avant la guerre, certains bruits fâcheux, relatifs à sa vie privée,