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Sur ces entrefaites, le concierge lui annonça qu’un officier allemand, arrivé depuis une heure en automobile, demandait à le voir.

C’était un capitaine pareil à tous les autres, coiffé du casque à pointe, vêtu de l’uniforme grisâtre, chaussé de bottes de cuir rouge, armé d’un sabre et d’un revolver, portant des jumelles et une carte géographique dans un étui suspendu à son ceinturon. Il paraissait jeune et avait au bras gauche l’insigne de l’état-major. Il demanda à Marcel en espagnol :

— Me reconnaissez-vous ?

Marcel écarquilla les yeux devant cet inconnu.

— Vraiment vous ne me reconnaissez pas ? Je suis Otto, le capitaine Otto von Hartrott.

Marcel ne l’avait pas vu depuis plusieurs années ; mais ce nom lui remémora soudain ses neveux d’Amérique : — d’abord les moutards relégués par le vieux Madariaga dans les dépendances du domaine ; puis le jeune lieutenant aperçu à Berlin, pendant la visite faite aux Hartrott, et dont les parents répétaient à satiété « qu’il serait peut-être un autre de Moltke ». — Cet enfant lourdaud, cet officier imberbe était devenu le capitaine vigoureux et altier qui pouvait, d’un mot, faire fusiller le châtelain de Villeblanche.

Cependant Otto expliquait sa présence à son oncle. Il n’appartenait pas à la division logée au village ; mais son général l’avait chargé de maintenir la liaison