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qui brûlait encore. Au loin, d’autres incendies de granges et de fermes répandaient dans les ténèbres des lueurs sanglantes.

Marcel, couché dans la chambre de ses concierges, dormit du sommeil lourd de la fatigue, sans sursauts et sans rêves. Au réveil, il s’imagina qu’il n’avait sommeillé que quelques minutes. Le soleil colorait de teintes orangées les rideaux blancs de la fenêtre, et, sur un arbre voisin, des oiseaux se poursuivaient en piaillant. C’était une fraîche et joyeuse matinée d’été.

Lorsqu’il descendit à la cuisine, le concierge lui donna des nouvelles. Les Allemands s’en allaient. Le régiment campé dans le parc était parti dès le point du jour, et bientôt les autres l’avaient suivi. Il ne demeurait au village qu’un bataillon. Le commandant du corps d’armée avait plié bagage avec son état-major ; mais un général de brigade, que son entourage appelait « monsieur le comte », l’avait déjà remplacé au château.

En sortant du pavillon, Marcel vit près du pont-levis cinq camions arrêtés le long des fossés. Des soldats y apportaient sur leurs épaules les plus beaux meubles des salons. Le châtelain eut la surprise de rester presque indifférent à ce spectacle. Qu’était la perte de quelques meubles en comparaison de tant de choses effroyables dont il avait été témoin ?