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hommes, des bêtes et des voitures. Un chef qui portait sur la manche le brassard de l’intendance, donnait des ordres comme s’il eût été le propriétaire occupé à surveiller le déménagement de sa maison. Déjà les étables étaient vides. Marcel vit sortir ses dernières vaches conduites à coups de bâton par les pâtres casqués. Les plus coûteux reproducteurs, égorgés comme de simples bêtes de boucherie, pendaient en quartiers à des arbres de l’avenue. Dans les poulaillers et les colombiers il ne restait pas un oiseau. Les écuries étaient remplies de chevaux maigres qui se gavaient devant les râteliers combles, et l’avoine des greniers, répandue par incurie dans les cours, se perdait en grande quantité avant d’arriver aux mangeoires. Les montures de plusieurs escadrons erraient à travers les prairies, détruisant sous leurs sabots les rigoles d’irrigation, les berges des digues, l’égalité du sol, tout le travail de longs mois. Les piles de bois de chauffage brûlaient inutilement dans le parc : par négligence ou par méchanceté, quelqu’un y avait mis le feu. L’écorce des arbres voisins craquait sous les langues de la flamme.

Au château même, une foule d’hommes, sous les ordres de l’officier d’intendance, s’agitaient dans un perpétuel va-et-vient. Le commandant du corps d’armée, après avoir inspecté les travaux que les pontonniers exécutaient sur la rive de la Marne pour le passage des troupes, devait s’y installer d’un