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spectateurs étaient, soit de dévots catholiques, soit de fervents protestants ; mais les uns et les autres ne croyaient qu’aux prêtres de leur pays. Pour eux, hors de l’Allemagne tout était sans valeur, même la religion.

Le maire et le curé changèrent de place dans le rang pour se rapprocher, et, avec une courtoisie solennelle, ils s’offrirent l’un à l’autre la place d’honneur au centre du groupe.

— Ici, monsieur le maire. C’est la place qui vous appartient.

— Non, monsieur le curé. C’est la vôtre.

Ils discutaient pour la dernière fois ; mais, en ce moment tragique, c’était pour se rendre un mutuel hommage et se témoigner une déférence réciproque.

Quand les fusils s’abaissèrent, ils éprouvèrent tous deux le besoin de dire quelques paroles, de couronner leur vie par une affirmation suprême.

— Vive la République ! cria le maire.

— Vive la France ! cria le curé.

Et il sembla au châtelain qu’ils avaient poussé le même cri.

Puis deux bras se dressèrent, celui du prêtre qui traça en l’air le signe de la croix, celui du chef du peloton, dont l’épée nue jeta un éclair sinistre. Une décharge retentit, suivie de quelques détonations tardives.

Marcel fut saisi de compassion pour la pauvre