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de ces ulhans fût une chose inouïe et monstrueuse, comme si les seuls ennemis de l’Allemagne devaient périr à la guerre et que les Allemands eussent tous le droit d’y avoir la vie sauve.

Ils étaient alors au plus haut étage du château, et Marcel, en regardant par une fenêtre, vit onduler au-dessus des arbres, du côté du village, une sombre nuée dont le soleil rougissait les contours. De l’endroit où il se trouvait, il ne pouvait apercevoir que la pointe du clocher. Autour du coq de fer voltigeaient des vapeurs qui ressemblaient à une fine gaze, à des toiles d’araignée soulevées par le vent. Une odeur de bois brûlé arriva jusqu’à ses narines. L’officier salua ce spectacle par un rire cruel : c’était le commencement de la vengeance.

Quand ils furent redescendus dans le parc, le lieutenant prit Marcel avec lui dans une automobile, et, tandis que les soldats s’installaient au château, il emmena le châtelain vers une destination inconnue.

À la sortie du parc, Marcel eut comme la brusque vision d’un monde nouveau. Sur le village s’étendait un dais sinistre de fumée, d’étincelles, de flammèches brasillantes ; le clocher flambait comme une énorme torche ; la toiture de l’église, en s’effondrant, faisait jaillir des tourbillons noirâtres. Dans l’affolement du désespoir, des femmes et des enfants fuyaient à travers la campagne avec des cris aigus. Les bêtes, chassées par le feu, s’étaient évadées des étables et se