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avaient pris position sur la place, bientôt rejointes par des pelotons de cavaliers, des bataillons de fantassins, d’autres et d’autres soldats qui arrivaient sans cesse. Ces hommes paraissaient furibonds : ils accusaient les habitants d’avoir tiré sur eux. Sur la place, ils avaient brutalisé le maire et plusieurs notables. Le curé, penché sur des agonisants, avait été bousculé, lui aussi. Les Allemands les avaient déclarés prisonniers et parlaient de les fusiller.

Les paroles de la vieille furent interrompues par le bruit de plusieurs voitures qui s’approchaient.

— Ouvrez la grille, ordonna Marcel au concierge.

La grille fut ouverte, et elle ne se referma plus. Désormais c’en était fait du droit de propriété.

Une automobile énorme, couverte de poussière et pleine d’hommes, s’arrêta à la porte ; derrière elle résonnaient les trompes d’autres voitures, qui s’arrêtèrent aussi par un brusque serrement des freins. Des soldats mirent pied à terre, tous vêtus de gris verdâtre et coiffés d’un casque à pointe que recouvrait une gaine de même couleur. Un lieutenant, qui marchait le premier, braqua le canon de son revolver sur la poitrine de Marcel et lui demanda :

— Où sont les francs-tireurs ?

Il était pâle, d’une pâleur de colère, de vengeance et de peur, et cette triple émotion lui mettait aux joues un tremblement. Marcel répondit qu’il n’avait pas vu de francs-tireurs : le château n’était habité