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passé odieux ; mais je n’ai entendu de sa bouche aucune parole sévère contre la femme qui l’a trahi… Je souhaite ardemment que les médecins réussissent à sauver un de ses yeux, et en même temps cela me fait peur. Que dira-t-il, quand il saura qui je suis ?… Mais qu’importe ? Ce que je veux, c’est qu’il recouvre la vue. Advienne ensuite que pourra !…

Elle se tut un instant ; puis elle reprit :

— Ah ! la guerre ! Que de bouleversements elle a causés dans notre existence !… Depuis une semaine que je suis à ses côtés, je déguise ma voix autant que je peux, j’évite toute parole révélatrice. Je crains tant qu’il me reconnaisse et qu’il s’éloigne de moi ! Mais, malgré tout, je désire être reconnue et être pardonnée… Hélas ! par moments, je me demande s’il ne soupçonne pas la vérité, je m’imagine même qu’il m’a reconnue dès la première heure et que, s’il feint l’ignorance, c’est parce qu’il me méprise. J’ai été si mauvaise avec lui ! Je lui ai fait tant de mal !…

— Il n’est pas le seul, repartit sèchement Jules. Tu m’as fait du mal, à moi aussi.

Elle le regarda avec des yeux étonnés, comme s’il venait de dire une parole imprévue et malséante ; puis, avec la résolution de la femme qui a pris définitivement son parti :

— Toi, reprit-elle, tu souffriras un moment, mais bientôt tu rencontreras une autre femme qui me remplacera dans ton cœur. Moi, au contraire, j’ai