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l’anxiété. Dans cette foule en prières il y avait des soldats à la tête enveloppée de linges, qui tenaient leurs képis à la main et qui avaient les paupières mouillées de larmes.

Comme Jules se promenait dans une allée, près de la rivière, il aperçut un officier dont les yeux étaient bandés et qui se tenait assis sur un banc. À côté de lui, blanche comme un ange gardien, se tenait une infirmière. Jules allait passer son chemin, lorsque l’infirmière fit un mouvement brusque et détourna la tête, comme si elle craignait d’être vue. Ce mouvement attira l’attention du jeune homme qui reconnut Marguerite, encore qu’elle fût extraordinairement changée. Ce visage pâle et grave ne gardait rien de la frivolité d’autrefois, et ces yeux un peu las semblaient plus larges, plus profonds.

L’un et l’autre, hypnotisés par la surprise, se considérèrent un instant. Puis, comme Jules faisait un pas vers elle, Marguerite montra une vive inquiétude, protesta silencieusement des yeux, des mains, de tout le corps ; et soudain elle prit une résolution, dit quelques mots à l’officier, se leva et marcha droit vers Jules, mais en lui faisant signe de prendre une allée latérale d’où elle pourrait surveiller l’aveugle sans que celui-ci entendît les paroles qu’ils échangeraient.

Dans l’allée, face à face, ils restèrent quelques instants sans rien dire. Jules était si ému qu’il ne