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ses sombres réflexions par la gaîté puérile que montraient quelques petits groupes de convalescents. C’étaient des Musulmans, tirailleurs algériens ou marocains, auxquels des civils, par attendrissement patriotique, offraient des cigares et des friandises. En se voyant si bien fêtés et régalés par la race qui tenait leur pays sous sa domination, ils s’enorgueillissaient, devenaient hardis comme des enfants gâtés. Heureuse guerre qui leur permettait d’approcher de ces femmes si blanches, si parfumées, et d’être accueillis par elles avec des sourires ! Il leur semblait avoir devant eux les houris du paradis de Mahomet, promises aux braves. Leur plus grand plaisir était de se faire donner la main. « Madame !… Madame !… » Et ils tendaient leur longue patte noire. La dame, amusée, un peu effrayée aussi, hésitait un instant, donnait une rapide poignée de main ; et les bénéficiaires de cette faveur s’éloignaient satisfaits.

Un peu plus loin, sous les arbres, les voiturettes des blessés stationnaient en files. Officiers et soldats restaient de longues heures dans l’ombre bleue, à regarder passer des camarades qui pouvaient se servir encore de leurs jambes. La grotte miraculeuse resplendissait de centaines de cierges allumés. Une foule pieuse, agenouillée en plein air, fixait sur les roches sacrées des yeux suppliants, tandis que les esprits s’envolaient au loin vers les champs de bataille avec cette confiance en Dieu qu’inspire toujours