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détourner les yeux, par crainte de rencontrer sur le visage de son interlocuteur une expression sévère ou ironique. Pourquoi n’allait-il pas, lui aussi défendre la terre qui lui donnait asile ?

Le lendemain matin, Argensola se chargea de prendre pour Jules un billet de chemin de fer à destination de Bordeaux. Ce n’était pas chose facile, à raison du grand nombre de ceux qui voulaient partir et qui souvent étaient obligés d’attendre plusieurs jours ; mais cinquante francs glissés à propos opérèrent le miracle de lui faire obtenir le petit morceau de carton dont le numéro permettrait au « peintre d’âmes » de partir dans la soirée.

Jules, muni pour tout bagage d’une simple valise, parce que les trains n’admettaient que les colis portés à la main, prit place dans un compartiment de première classe et s’étonna du bon ordre avec lequel la compagnie avait réglé les départs : chaque voyageur avait sa place, et il ne se produisait aucun encombrement. Mais à la gare d’Austerlitz ce fut une autre affaire : une avalanche humaine assaillit le train. Les portières étaient ouvertes avec une violence qui menaçait de les rompre ; les paquets et même les enfants faisaient irruption par les fenêtres comme des projectiles ; les gens se poussaient avec la bruta-