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se mit en marche sur la route blanche. Ils avançaient avec lenteur, craignant des embuscades et observant tout ce qui les entourait.

Marcel comprit qu’il était temps de se retirer et qu’il y aurait du danger pour lui à être surpris près de la barricade. Mais, au moment où ses yeux se détachaient de ce spectacle lointain, une vision inattendue s’offrit à lui, toute voisine. Une bande de soldats français, à demi dissimulée par des rideaux d’arbres, s’approchait de la barricade. C’étaient des traînards à l’aspect lamentable, dans une pittoresque variété d’uniformes : fantassins, zouaves, dragons sans chevaux ; et, pêle-mêle avec eux, des gardes forestiers, des gendarmes appartenant à des communes qui avaient été avisées tardivement de la retraite. En tout, une cinquantaine d’hommes. Il y en avait de frais et de vigoureux, et il y en avait qui ne tenaient debout que par un effort surhumain. Aucun de ces hommes n’avait jeté ses armes.

Ils marchaient en se retournant sans cesse, pour surveiller la lente avance des uhlans. À la tête de cette troupe hétéroclite était un officier de gendarmerie vieux et obèse, à la moustache hirsute, et dont les yeux, quoique voilés par de lourdes paupières, brillaient d’un éclat homicide. Comme ces gens passaient à côté de la barricade sans faire attention au quidam qui les regardait curieusement, une énorme détonation retentit, qui fit courir un frisson sur