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de milliers d’hommes et de voitures, rôdaient et flairaient autour de lui, comme pour implorer sa protection. Un chat famélique épiait les moineaux qui recommençaient à s’ébattre et à picorer le crottin laissé sur la route par les chevaux des dragons. Une poule sans propriétaire, qui jusqu’alors s’était tenue cachée sous un auvent, vint à son tour disputer ce festin à la marmaille aérienne. Le silence faisait renaître le murmure de la feuillée, le bourdonnement des insectes, la respiration du sol brûlé par le soleil, tous les bruits de la nature qui s’étaient assoupis craintivement au passage des gens de guerre.

Tout à coup Marcel remarqua quelque chose qui remuait à l’extrémité de la route, sur le haut de la colline, à l’endroit où le ruban blanc touchait l’azur du ciel. C’étaient deux hommes à cheval, si petits qu’ils avaient l’apparence de soldats de plomb échappés d’une boîte de jouets. Avec les jumelles qu’il avait apportées dans sa poche, il vit que ces cavaliers, vêtus de gris verdâtre, étaient armés de lances, et que leurs casques étaient surmontés d’une sorte de plateau horizontal. C’était eux ! Impossible de douter : le châtelain avait devant lui les premiers uhlans.

Pendant quelques minutes, les deux cavaliers se tinrent immobiles, comme pour explorer l’horizon. Puis d’autres sortirent encore des sombres masses de verdure qui garnissaient les bords du chemin, se joignirent aux premiers et formèrent un groupe qui